Podcast : chercher sa voix

Véritable phénomène aux États-Unis, le podcast commence à s’imposer en France. Une opportunité pour les pigistes ? Pas sûr que studios de production et pigistes soient sur la même longueur d’onde.

Par Alice Mariette

Ils s’appellent « La poudre », « Émotions » ou « Programme B ». Les podcasts « natifs » — créés spécifiquement pour une écoute numérique, sans passer par l’antenne hertzienne — se développent à vitesse grand V. « Le podcast, c’est très démocratique », lance d’emblée Nora Bouazzouni, coprésentatrice du podcast « Plan Culinaire », produit par Louie Media. Pour elle, le format offre une liberté de ton et plus de diversité. Un avis partagé par Sarah-Lou Lepers, réalisatrice de plusieurs épisodes de « Transfert » de slate.fr, aussi produit par Louie Media. « Je le fais avant tout par passion pour l’audio et la narration », confie-t-elle.

De nouveaux studios de production

Plusieurs studios de podcasts ont ouvert leurs portes ces dernières années, à l’instar de Louie Media, Nouvelles Écoutes et Binge Audio. Ce dernier, dont le groupe Les Échos-Le Parisien est entré au capital, produit des émissions régulières et unitaires. « On cherche à explorer et déconstruire la société dans laquelle on vit », présente David Carzon, directeur de la rédaction. L’équipe se réunit une fois par mois pour discuter des propositions. « Nous recevons entre 10 et 40 projets chaque semaine. Nous faisons travailler beaucoup de monde, mais nous disons plus souvent non que oui », glisse-t-il. Binge paye en salaire et pour les épisodes unitaires, le barème est fixé à 175 € brut la journée (avec un maximum de quatre jours) et le pigiste doit livrer un prémontage. Sur des projets plus longs ou réguliers, la rémunération est à discuter.

Du côté du studio Nouvelles Écoutes, la directrice de production Laura Cuissard indique rechercher avant tout des voix nouvelles, des tons différents de ceux de la radio et des histoires originales. « On va accompagner le projet en production du début à la fin », précise-t-elle, ajoutant recevoir environ cinq propositions par semaine. Les refus sont nombreux. Le studio affirme rémunérer les journalistes en pige, mais n’a pas souhaité communiquer sur ses tarifs.

La difficile monétisation des podcasts

« C’est excitant, c’est une nouvelle façon de travailler… en revanche ça peut aussi être une nouvelle façon de se faire exploiter », affirme Nora Bouazzouni. Pour sa part, elle est rémunérée en salaire, 155 € net par épisode, dont la durée oscille entre 30 et 40 minutes. Elle assure la présentation, s’occupe du contenu et des interviews, en collaboration avec Melissa Bounoua, l’une des fondatrices de Louie Media et coprésentatrice du podcast, et une assistante de production. Louie Media se charge ensuite du montage et de la diffusion.

Pour Transfert, Sarah-Lou Lepers travaille en autonomie et gère toutes les étapes, de la recherche au montage, et est rémunérée 800 € brut, en droit d’auteur, par épisode, peu importe sa durée (entre 30 et 50 minutes). « J’y trouve mon compte en mise en avant de mon travail, j’ai beaucoup de retour, même si ce n’est pas ce qui me fait vivre », raconte-t-elle, ajoutant du même souffle qu’elle risque de perdre sa carte de presse, car elle a décidé de se consacrer aux podcasts à plein temps. « Je ne crois pas que cela soit une opportunité pour les pigistes, j’en vois surtout beaucoup qui se font arnaquer et qui sont sous-payés », prévient-elle.

L’économie du podcast est encore en construction. À voir si les projets de plateformes de l’ex-PDG de Radio France Mathieu Gallet, de Spotify ou du groupe Altice (NextRadioTV), entre autres, changeront la donne.

Cet article a été initialement publié dans le magazine des 48H de la Pige 2019