Pigistes, combien sommes-nous ?

La question est simple, la réponse moins… La multiplicité des statuts des journalistes pigistes en France, tous types de médias confondus, rend le décompte difficile à effectuer.

Par Émilie Gillet

En 2018, la CCIJP (Commission de la carte d’identité des journalistes professionnels) dénombrait 7 833 journalistes pigistes en France. Soit un peu plus de 22 % des 35 297 cartes de presse délivrées l’année dernière. Mais à peine ce chiffre annoncé, était-il déjà contesté ! Car dans la catégorie « pigiste », la CCIJP inclut les journalistes en CDD. Et surtout, beaucoup de pigistes ne demandent pas la carte de presse. Soit parce que leurs statuts ne leur permet pas : ils sont principalement payés en droits d’auteur, cachet d’intermittents, auto-entrepreneur… ce qui est parfaitement illégal, rappelons-le ! Soit parce qu’ils pensent qu’elle est inutile. Le premier motif de non-attribution de la carte de presse est tout simplement le fait de ne pas la demander !

La vraie question est donc : combien y a-t-il de pigistes sans carte de presse en France ? En 2018, à l’occasion du baromètre social présenté chaque année aux Assises du Journalisme de Tours, le sociologue Jean-Marie Charon (chercheur au CNRS et à l’EHESS) a tenté d’y répondre. Selon les chiffres d’Audiens qui gère le régime obligatoire de prévoyance et de retraite des journalistes, en 2017, un peu plus de 19 000 personnes ont perçu au moins un bulletin de salaire en tant que pigiste dans l’année. Mais il est impossible de distinguer les pigistes occasionnels de ceux dont c’est l’occupation principale.

Concernant les auto-entrepreneurs, ils étaient, selon l’INSEE, 15 876 enregistrés dans la catégorie « information et communication » sans distinction entre journalistes et communicants… Et pour ceux payés en droits d’auteur, « il n’y aucun moyen d’obtenir une quelconque estimation de la part de l’Agessa », souligne J.-M. Charon. Quant aux correspondants locaux de presse, ils étaient environ 26 000, sans qu’il soit possible d’estimer la proportion de ceux qui sont réellement journalistes au sens où l’entend la loi… À quoi il faut ajouter les pigistes payés comme intermittents du spectacle par les sociétés de production audiovisuelles, et les rédacteurs d’information payés sous convention Syntec par certains pure players qui refusent de se considérer comme des entreprises de presse.

Impossible donc aujourd’hui d’estimer réellement le nombre de journalistes pigistes en France. Le cumul des statuts dessine une « zone grise » dont les contours très flous ne cessent de s’agrandir… Un flou qui rend la défense de nos droits encore plus difficile.

Pour en savoir plus : www.journalisme.com/wp-content/ uploads/2018/03/BaromètreSocial2018.pdf

Cet article a été initialement publié dans le magazine des 48H de la Pige 2019