Les oubliés de la com’ : les pigistes

Publié dans Hush news, le 10 avril, Saskia

Pendant la phase de confinement à cause du Covid-19, HUSH lance la websérie confinée « les oubliés de la com’ ». Nous allons à la rencontre de profils qui font peu ou pas l’actualité pour comprendre leur nouveau quotidien et l’importance accrue de la communication. Zoom sur les journalistes pigistes.

« Les journalistes pigistes n’ont rien. Ils ont leur réserve s’ils en ont mais sinon ils n’ont rien », explique Julie Lallouët-Geffroy, coprésidente de l’association Profession : Pigiste. Depuis l’annonce par le gouvernement français du confinement général pour faire face à l’épidémie de coronavirus, les journalistes pigistes sont confrontés à une grande précarité. Annulation de leurs articles, report de leurs commandes par les rédactions, ils se retrouvent aujourd’hui sans travail. « Comme tout le monde est sous cloche à cause du confinement, il y a moins d’actualité donc moins de sujets à traiter hormis les sujets coronavirus bien sûr. Les journalistes pigistes santé et sciences, eux, bossent énormément. Par contre, c’est facile à comprendre pour les journalistes pigistes sportifs ou culturels. Là typiquement, il n’y a plus de matches à commenter, il n’y a plus de boulot pour cette raison-là. Vu qu’on est payés à la tâche, s’il n’y a pas de tâche, il n’y a pas d’article, il n’y a pas d’argent, c’est aussi simple que ça. » Julie Lallouët-Geffroy, co-présidente de Profession : Pigiste

Pigiste : un statut juridique complexe

L’association de Julie a été créée pour informer les journalistes pigistes sur leurs droits qu’ils méconnaissent très souvent. Et en ces temps difficiles, les membres de Profession : pigiste sont très sollicités pour des conseils sur les démarches à suivre auprès des rédactions.

Les démarches sont complexes car le statut juridique de pigiste est difficile à faire entendre. « Un journaliste pigiste, c’est un journaliste qui est payé à l’article (presse écrite et web) ou à la journée travaillée (TV et radio). Par contre, juridiquement, il est considéré comme étant en CDI. Ce n’est donc pas un indépendant, ni un sous-traitant, ni un auto-entrepreneur », détaille Julie.

Et lorsqu’il faut faire une demande à l’employeur, c’est encore plus compliqué car un pigiste travaille pour plusieurs rédactions en même temps. « On parle de 10 à 15 employeurs par an. La situation est assez insoluble, d’autant plus que le rapport de force pigiste/patron est inégal. »

Les pigistes « sous-traitants des rédactions »

Cette crise du coronavirus accentue encore plus les inégalités, notamment entre les journalistes en rédaction et les journalistes pigistes. Bien qu’ils ne travaillent pas de la même manière, ils sont considérés sur le papier comme des salariés. « Mais depuis très longtemps les employeurs ne jouent pas le jeu en considérant les pigistes comme des sous-traitants, comme une marge d’ajustement pour les rédactions », s’indigne Julie.

Et la situation actuelle ne fait que creuser les inégalités entre les différents statuts des journalistes : « Les rédactions n’étant pas au chômage partiel, il y a un décalage quelque part : les journalistes en rédaction bossent énormément et font le boulot des pigistes. Il y a une question d’inégalité très forte qui est en train de se faire et les mesures d’éligibilité pour avoir du chômage partiel en cours de négociation risquent de demander un ticket d’entrée élevé qui pénalisera les pigistes les plus précaires.  » Julie Lallouët-Geffroy, co-présidente de Profession : Pigiste

Les actions pour protéger les journalistes à la pige

Profession : Pigiste se mobilise pour aider la communauté : elle publie un maximum d’informations, participe aux réflexions et soutient les syndicats pour essayer de trouver des solutions. En tant qu’association, elle ne peut cependant pas négocier directement avec les entreprises ou les autorités comme le SNJ (Syndicat National des Journalistes).

.@SNJ_national @SnjCgt @USJCFDT @SgjFo et 25 associations et collectifs de #journalistes exige que chaque pigiste soit indemnisé selon les mêmes critères que chaque mensualisé. Pas d’inégalité entre salariés relevant du même statut, de la même convention collective. pic.twitter.com/waoHapo5iN— SNJ (@SNJ_national) April 7, 2020

Les négociations sont en cours. Selon le SNJ, certaines entreprises de presse ont déjà fait savoir qu’elles appliqueraient aux journalistes pigistes le même dispositif de chômage partiel que pour les journalistes mensualisés. Le ministère de la Culture travaille sur un décret d’application qui va paraître dans les jours à venir et qui concernera notamment les règles d’indemnisation des journalistes rémunérés à la pige.

De son côté, Audiens, un groupe de protection sociale spécialisée dans la culture et les médias, essaie de débloquer des fonds solidaires pour les pigistes et les intermittents de spectacle.