« Le rejet de la demande de visa humanitaire d’Hussam Hammoud est une honte pour notre pays »

Alors que le journaliste syrien Hussam Hammoud est menacé dans son pays d’origine, un collectif de personnalités politiques et de journalistes rassemblés à l’initiative du député Aurélien Taché, de Pablo Aiquel (SNJ-CGT) et d’Emmanuel Poupard (SNJ) s’indigne, dans une tribune au « Monde », du rejet de sa demande de visa humanitaire par la France.

Profession : Pigiste est signataire de cette tribune.
Tribune publiée le 29 septembre 2022, sur lemonde.fr.

Nous avons appris avec consternation, le 5 septembre, que la demande de visa humanitaire du journaliste syrien Hussam Hammoud avait été rejetée par la France. Ces dernières années, ce journaliste de 30 ans, originaire de Rakka, a fait de nombreuses révélations sur l’Etat islamique pour plusieurs médias internationaux.

Ses enquêtes ont été publiées par la BBC ou le Guardian, tandis qu’il collabore en France avec Mediapart et Radio France. Il vient de signer, avec la journaliste Céline Martelet, un ouvrage sur les exactions vécues par les habitants de Rakka sous l’Etat islamique : L’Asphyxie. Raqqa, chronique d’une apocalypse (Denoël, à paraître le 5 octobre).

La liberté de la presse et celle d’être informé sont au cœur de la démocratie, de notre avenir commun. Et elles ne doivent jamais être menacées. Elles sont l’essentiel de notre parole, de l’éclairage de notre pensée, du ralliement des consciences vers la justice et garantissent une meilleure connaissance du monde où nous évoluons.

Un refus sans explication

Menacé dans son pays d’origine, Hussam Hammoud l’est aussi en Turquie, pays dans lequel il est réfugié depuis 2019 et qui pourrait le renvoyer très prochainement en Syrie. Alors que l’ambassade de France à Ankara l’a reçu à plusieurs reprises, en partie pour entendre son témoignage et bénéficier de ses connaissances sur l’Etat islamique, elle lui a signifié par mail son refus de visa humanitaire, sans autre explication.

La France s’est pourtant souvent engagée aux côtés de celles et ceux qui luttent pour les libertés fondamentales en Syrie. De nombreux médias ont apporté leur soutien à leur confrère syrien. Une trentaine de sociétés de journalistes et de syndicats de la presse française ont dénoncé, dans une tribune dans Le Monde,le 7 septembre « Des sociétés et syndicats de journalistes demandent la protection de leur confrère syrien Hussam Hammoud » –, la situation de Hussam Hammoud.

Ce dernier est un allié de notre pays, qu’il a soutenu dans le cadre d’une guerre dont l’information et le renseignement étaient le ressort. Un pays qui se doit de le soutenir en retour en acceptant de l’accueillir. La réponse reçue par Hussam Hammoud est une honte pour notre pays : un courrier type, formaté et sans motif ne peut constituer une réponse ni politique ni humaniste.

Un message d’autorité, de dignité et d’égalité

Madame la ministre de la culture, Monsieur le ministre l’intérieur, il est de votre devoir de ne pas faire obstacle à cette demande. Nous devons nous souvenir que la France est un pays d’accueil, qu’elle a livré historiquement des batailles ayant mobilisé l’humanisme et l’ouverture qui ont fait son identité.

Un pays qui a un devoir de protection et de responsabilité morale envers ses alliés, quels que soient leur statut et les circonstances. Ce n’est pas seulement parce que les vies d’un homme et de sa famille sont livrées à l’arbitraire que nous devons nous montrer à la hauteur. Il s’agit de remobiliser ce qui constitue notre histoire française, en dénonçant l’immobilisme et en démontrant que le combat pour la liberté de la presse et de l’information n’a pas de prix.

Il s’agit non seulement d’un devoir, mais d’une occasion de combattre l’inconscience et l’aveuglement. L’occasion d’envoyer un message d’autorité, de dignité et d’égalité, dans un contexte où la menace terroriste pèse toujours sur notre pays.