Une nouvelle agence France Travail pour les journalistes: un progrès, surtout pour les journalistes pigistes, mais des écueils à corriger

Depuis plus d’un an, les syndicats de journalistes (SNJ, SNJ-CGT, CFDT-Journalistes) et l’association Profession : Pigiste ont entamé des échanges avec la direction de France Travail en appelant notamment à un traitement plus cohérent du chômage des journalistes remunéré·e·s à la pige. La direction de France Travail a admis elle-même l’existence de “pratiques différentes” entre les agences entraînant “des dysfonctionnements et
incompréhensions”.

En réponse, France Travail a décidé de consacrer une partie de l’activité d’une nouvelle agence francilienne, basée à Saint-Denis (93), spécialement aux journalistes. Dans les faits, cela pourrait être un progrès pour ceux qui exercent à la pige, dont les spécificités exigent une connaissance fine de la part des agents. Nous nous en réjouissons.

Cependant, elle ne nous semble pas conçue de façon optimale. Déjà, elle ne concernerait selon la direction de France Travail que les journalistes qui détiennent leur carte de presse. En effet France Travail s’appuie sur l’annexe 1 du règlement général de la convention d’assurance chômage, qui détermine les règles d’indemnisation chômage pour les salariés qui reçoivent des rémunérations variables, et dont font partie les journalistes, payé·e·s à la pige ou pas.

Les autres allocataires journalistes, n’ayant pas la carte de presse – et sont nombreux·ses parmi les journalistes pigistes – continueraient, eux, d’être suivi·e·s dans leur agence locale, à proximité de leur domicile, et donc avec des conseillers non spécialisés. Créer une distinction dans la prise en charge entre des journalistes avec ou sans carte maintiendrait une inégalité de traitement, alors même qu’il s’agit souvent de celles et ceux qui ont le plus de mal à avoir accès à leurs droits. Nous souhaitons que cette agence ne fasse pas de différence sur ce point.

Cette mise en place va se faire en deux temps. Cette agence prendra d’abord en charge les journalistes de l’Île de France, à compter du 1er novembre 2024, puis les journalistes de toute la France à partir du 1er janvier 2025.

Les personnes suivies dans la nouvelle agence localisée en Seine Saint-Denis se verront attribuer un nouveau conseiller. Selon les cas, donc, les journalistes indemnisé·e·s seront suivis par une ou deux agences. Selon ce qui nous a été annoncé par France Travail, la répartition des rôles, un brin complexe, s’effectuerait comme il suit :

SituationConseiller indemnisationConseiller emploi
journaliste indemnisé·e titulaire
de la carte de presse, résidant en
Ile-de France
agence de Saint-Denis à
partir du 1er novembre
2024
agence de Saint-Denis à
partir du 1er janvier 2025
journaliste indemnisé·e titulaire
de la carte de presse, hors Ile-de
France
agence de Saint-Denis à
partir du 1er janvier 2025
agence locale,  pas de
changement de conseiller
journaliste indemnisé·e sans
carte (dits “régime général”) de
toute la France
agence locale, pas de
changement de conseiller
agence locale,  pas de
changement de conseiller

Par ailleurs, le flou qui entoure le détail du projet, en particulier sur les moyens accordés à ce nouveau pôle, nous incite à la vigilance. Nos premiers échanges cet été avec France Travail laissaient entendre que cette agence s’occuperait des seuls dossiers des journalistes pigistes indemnisé·e·s. Il s’avère qu’elle traitera de l’ensemble des journalistes indemnisé·e·s qui
relèvent de l’annexe 1.

France Travail  a refusé de  nous communiquer le nombre de conseillers, ou encore  le volume de dossiers que ces experts auront en charge, ni la formation spécifique qu’ils devront suivre. Tout au plus sait-on que les trop-perçus des personnes qui y seront suivies seront bien désormais gérés depuis cette agence. Nous restons disposés à rencontrer ces équipes le moment venu pour échanger sur les réalités de notre métier et simplifier l’indemnisation des journalistes payé·e·s à la pige.

Enfin, concernant la pratique des employeurs qui envoient des attestations de fin de contrat à destination de France Travail chaque mois sans même avertir le salarié à la pige, il nous a été répété que l’organisme n’avait aucun pouvoir d’action là dessus, sauf “à la marge”, si le ou la journaliste pigiste signale une situation précise à l’employeur et France Travail. Nous le regrettons, car ces attestations d’une fausse fin de contrat délivrées par les employeurs sont un élément récurrent dans les grandes difficultés que vivent de nombreux journalistes rémunéré·e·s à la pige dans leur parcours d’indemnisation par France Travail. Rappelons que la rémunération à la pige n’est pas un CDD, mais une présomption de contrat de travail.

Nous espérons qu’une fois cette agence mise en route, nous parviendrons enfin à avoir un suivi cohérent et lisible. Nos organisations seront toujours prêtes à porter la voix des usagers et usagères, en maintenant le dialogue ouvert depuis plus d’un an avec la direction de France Travail pour permettre aux journalistes, et notamment aux journalistes pigistes, de faire valoir leurs droits légitimes à l’assurance chômage, dans un contexte général où cet accès au droit se restreint et est de plus en plus fragilisé pour l’ensemble des salarié·e·s.

Contacts :
Profession : Pigiste : info@pigiste.org
SNJ-CGT : contact@snjcgt.fr
CFDT-Journalistes : journalistes@f3c.cfdt.fr
Paris, le 14 novembre 2024